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La petite chronique de Sabine



C'est votre rendez-vous de cette fin de semaine pour découvrir quelques uns de ses coups de coeur... Un weekend tout en lecture, ça vous dit ?


Une sélection de livres pour passer la fin de l'hiver, réflechir ou voyager...


Pour VOYAGER :

'Là où chantent les écrevisses' de DELIA OWENS. Nous sommes en Caroline du Nord dans les années 50 à 70. Kya y vit avec sa famille en marge de la société, dans une maison vétuste au cœur des marais. Abandonnée à 10 ans par sa mère, ses frères et sœurs, puis par son père, elle est livrée à elle même; et le marais, sa faune et sa végétation, deviennent plus que jamais son univers, son refuge, sa consolation, son moyen de subsistance. On suit Kya à travers l' enfance, l'adolescence et l'âge adulte. Toujours considérée comme 'La fille des marais ', sauvage et indomptable par la petite communauté ségrégationnniste de Barkley Cove, deux rencontres vont bouleverser son existence (pour le meilleur et pour le pire). Tate, jeune garçon sensible et érudit qui lui apprend à lire et à étudier la science et Chase, beau gosse de la ville attiré par son aura et sa beauté. Pourquoi ce roman est-il agréable à lire?

Parce que Delia Owens, diplômée de botanique et de zoologie, parvient à faire de son texte un très bel ode à la nature et aux animaux et parce qu'il offre un dépaysement non négligeable. A travers l'histoire de Kya, nous sommes immergés dans la nature sensuelle, nourricière mais parfois dangereuse du sud des Etats-Unis.
C'est un roman qui se lit tout seul. Pour toutes celles et ceux qui manquent cruellement d'évasion!

Pour FRISSONNER :

'Histoires de la nuit' de Laurent Mauvigner. L'histoire en quelques mots : non loin du bourg quelconque de La Bassée vivent dans un minuscule hameau Christine, artiste peintre ; Patrice dit Bergogne, agriculteur; sa femme Marion, employée dans une imprimerie, et leur fille Ida. C'est le jour des 40 ans de Marion et on se prépare à la fête. Mais autour du hameau, des inconnus rôdent et finissent par s'immiscer dans les maisons des Bergogne et de Christine...

Pourquoi ce livre est-il génial ? Parce qu'en découpant les événements de la journée instant après instant, en multipliant les points de vue, Mauvigner nous attrape dans une spirale infernale dont il est extrêmement difficile de s'échapper. Parce ses phrases toutes en digressions, en virgules et en ajouts de détails et de précisions ont du corps. Elles sont denses, puissantes. Parce que les relations, les tensions entre les personnages aux profils psychologiques très fouillés sont intenses. Parce que leurs pensées et leurs passés savamment disséqués creusent au fond de leurs âmes sans complaisance, tandis que l'étau du huis clos se referme. Parce que c'est à la fois une prouesse stylistique hallucinante et un roman à suspense parfait ! Du grand art!

Pour RÉFLÉCHIR et S'EMOUVOIR :

'Apeirogon' de COLUM MAC CANN Rami est israélien, fils de rescapés de la Shoah. Sa fille Samdar a été tuée lors d'un attentat suicide dans le centre de Jérusalem; elle avait 14 ans. Bassam est palestinien, ancien soldat de la guerre du Kippour et ancien prisonnier. Sa fille Abir a été tuée d'une balle en caoutchouc reçue à l'arrière du crane alors qu'elle s'achetait des bonbons avant un contrôle de mathématiques. Elle avait dix ans. Ils se rencontrent à l'association des 'Combattants pour la paix ' dans laquelle ils œuvrent, parce que tous deux ont entamé 'un processus irréversible de non-violence'. Ils se retrouvent ensuite dans le 'Cercle des parents', de ceux qui ont connu le deuil d'un enfant. "Apeirogon " (dont le titre fait référence à une figure géométrique au nombre infini de côtés) est donc l'histoire de ces deux hommes; et à travers celle-ci, l'histoire de la Palestine et d'Israël, de ce conflit quasi séculaire et apparemment infini aux multiples visages et aux diverses facettes. Et parce que cette histoire est inscrite dans une certaine géographie, il est beaucoup question de géographie. Parce que cette terre est l'un des endroits du monde où passent le plus d'oiseaux, il est beaucoup question d'oiseaux. Parce que le deuil impose une part de silence, il est question de comment le silence est utilisé en musique. Il est également question de balistique, de philosophie, d'histoire et d'équilibrisme , dans un texte découpé en 1001 chapitres de tailles diverses qui s'imbriquent, se répondent, nous rappellent ce qu'on a lu précédemment, vont et viennent dans la temporalité.

Un plaidoyer pour la paix, un livre vibrant d'humanité.

Pour réveiller sa FIBRE FEMINISTE :


'Ce que je ne veux pas savoir' et 'Le coût de la vie' de DEBORAH LEVY. J'ai vraiment apprécié me plonger dans cette œuvre unique, somptueuse par son intelligence, sa lucidité, son humour ; dans cette autobiographie non conventionnelle, féministe, portée par une écriture élégante et lumineuse et une voix que j'ai fini par considérer comme une voix amie. Dans 'Ce que je ne veux pas savoir', l'autrice, dans un moment particulièrement sombre de son existence, où elle éclate systématiquement en sanglots dans les escalators londoniens, va se ressourcer à Majorque et se souvient, dès lors, de son enfance sud africaine, de l'emprisonnement de son père et puis de l'exil en Angleterre durant lequel, jeune fille qui se cherche, elle entre en écriture poussée par la nécessité de faire entendre sa voix. Dans 'Ce que cela coûte ', c'est sur son après divorce que l'autrice se penche, et sur la nécessité de détricoter l'ouvrage d'une vie : la construction d'un foyer dans lequel, à l'instar de nombreuses femmes, elle vivait plus pour les autres que pour elle-même et sur son installation dans un appartement à la plomberie calamiteuse en haut d'une colline. Elle nous montre ce que cela coûte mais également ce qu'il y a à gagner à se façonner une vie à soi. Elle évoque la difficulté d'écrire tout comme la joie, certes pas toujours simple, que procure la liberté. De nombreuses références littéraires sont présentes dans le texte, mais il ne s'agit pas vraiment ici d'appuyer un propos avec des références. Il semblerait plutôt que l'autrice soit réellement accompagnée par Marguerite Duras, Emily Dickinson ou Simone de Beauvoir; comme autant d'âmes protectrices veillant sur elle; de la même manière que les femmes qui croisent son chemin sont autant de bonnes fées qui jalonnent son parcours et l'entourent de bienveillance et de tendresse pour l'aider à parler haut, parler fort. Faire entendre son désir.

Une oeuvre d'une intelligence profonde qui peut également être très drôle!

Pour S'INTERROGER :

'Indice des feux' d' ANTOINE DESJARDINS. Sept histoires pour parler des bouleversements environnementaux, de ce que cela signifie pour nous et de comment cela impacte notre rapport au vivant. Les narrateurs de ces nouvelles sont à un moment clé de leur existence : maladie, paternité, deuil ou fin de l'enfance, entre autres. Et leurs histoires nous montrent très finement que les bouleversements environnementaux entrent parfois en résonnance avec nos vies ; notre psyché, nos problèmes, nos angoisses, notre peur de la mort. Nous disent combien nous sommes parfois démunis face à ce qui sombre, disparaît, nous échappe. J'ai souvent lu à propos de ce livre qu'il parlait d'écoanxiété, or je trouve qu'il est bien plus riche que cela. Parce que ce sont avant tout des histoires de gens. Des gens dont le destin bascule ou qui cherchent un sens à leurs vies, une révélation qui viennent éclairer leurs choix ou leurs actions. Des histoires de famille, aussi ; de couples ou d'individus qui connaissent des tempêtes dont les changements environnementaux peuvent être les métaphores, ou inversement.

J'ai également beaucoup aimé l'écriture, généreuse et entraînante, les différences de longueur entre les histoires, la part plus ou moins grande laissée aux expressions québécoises dans les unes ou les autres. Il y aurait encore beaucoup de choses à écrire sur ce livre, mais le plus important est de vous conseiller de le lire. Parce qu'il possède tant de grilles de lecture possibles et de richesse qu'il vous touchera forcément.

Bonne(s) lecture(s) !

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